XIV
LE VOILIER DE BRISTOL

— N’est-il pas temps d’y aller, commandant ?

Davy regardait Bolitho tendre le cou au-dessus des rochers ; sa chemise pâle se détachait sur le ciel de plus en plus sombre.

— Je crois bien. Dites à Carwithen de rassembler les hommes.

Il frissonna quand la brise de mer explora son corps. Dès que le soleil s’était couché sur les collines, derrière lui, la fraîcheur, et même le froid, étaient tombés en quelques minutes. Ils étaient restés trop longtemps au chaud, torturés par le soleil et la soif, sans parler d’une multitude de mouches sorties de nulle part qui les harcelaient sans pitié. Il scrutait la silhouette de la goélette à l’ancre, le doux halo de ses feux de poupe et de gaillard. Du feu, sur la plage, ne restaient que quelques tisons rougeoyants ; il ne voyait plus personne dans les parages, la vigie devait être restée sur son perchoir, au-dessus des rochers.

— Tout est prêt, commandant, chuchota Allday, qui tenait son sabre d’abordage de façon à ne pas heurter les rochers. M. Davy s’assure que chacun sait ce qu’il a à faire.

Bolitho hocha la tête sans répondre. Il essayait d’estimer la distance à parcourir. Curieusement, elle semblait plus grande au fur et à mesure que l’obscurité gagnait, mais il était rassuré par l’écho des bribes de conversation venant du navire : elles prouvaient qu’ils n’avaient pas encore remarqué l’absence de leur compagnon.

Davy se glissa à côté de lui :

— J’ai fait partir Carwithen avec son groupe, commandant.

Il regarda le ciel, où flottaient de petits nuages isolés :

— Le vent est assez régulier.

— Oui.

Bolitho vérifia son pistolet et resserra sa ceinture :

— Suivez-moi, en file indienne.

Comme des ombres, ils franchirent la dernière barrière rocheuse ; quelques cailloux se mirent à rouler, produisant dans l’obscurité un bruit retentissant. Mais, comme Davy l’avait observé, le vent était bien établi et poussait de jolis petits rouleaux le long de la plage et du promontoire. Le bruit du ressac suffisait à couvrir celui de leurs pas.

À un moment, comme ils suivaient la pente de la colline, deux douzaines d’oiseaux de mer jaillirent presque sous leurs pieds, criaillant et claquant des ailes. Tous s’étaient figés.

Bolitho attendit, écoutant les battements de son cœur et la respiration oppressée des hommes qui le suivaient. Rien. Il leva le bras et la descente reprit.

Regardant par-dessus son épaule, il vit la silhouette tourmentée de la barrière rocheuse derrière laquelle ils avaient attendu le coucher du soleil ; elle était maintenant loin au-dessus de leur petit groupe qui avançait avec précaution. Ils avaient presque atteint le niveau de la plage quand il entendit un homme jurer à mi-voix en glissant dans la première flaque. Le groupe de Davy devait s’avancer sur les hauts-fonds, marchant dans l’eau à sa droite ; il espéra qu’aucun d’entre eux ne tomberait dans un des trous cachés à présent par la marée montante.

Il songea un instant à son navire à l’ancre de l’autre côté de l’îlot, à ses odeurs et à ses bruits familiers. Herrick devait se ronger, dans l’attente de nouvelles, triomphales ou désastreuses. Si les choses tournaient mal, il ne pourrait rien tenter pour venir à leur secours. C’est à lui que reviendrait la responsabilité de prendre contact avec « l’ennemi », et d’agir comme il convenait. Mieux valait les considérer en effet comme des ennemis ; cela ne servait à rien d’imaginer qu’ils lui ressemblaient, qu’ils étaient des hommes faits de chair et d’os.

Allday pressait le bras de Bolitho avec insistance :

— Une embarcation tire à terre, commandant !

Bolitho leva la main et les deux groupes s’immobilisèrent dans un silence maladroit. L’embarcation avait dû être affalée de l’autre côté de la goélette. Quand le canot bondit au-dessus du premier rouleau, on vit briller les éclaboussures des avirons et l’écume de la vague d’étrave.

Bolitho eut une pensée pour Carwithen et sa poignée d’hommes en train d’encercler en silence la vigie solitaire. Ils devaient être à pied d’œuvre, maintenant. Ce qui lui évoqua la folie meurtrière de Carwithen quand il avait levé sa hache d’abordage : il se demanda si Carwithen se chargerait de porter lui-même le coup fatal à la malheureuse vigie.

Un appel résonna soudain dans l’obscurité : un instant, Bolitho imagina que Carwithen avait pu être retardé, ou que la vigie lançait l’alarme. Mais la voix venait du canot, plus forte cette fois, et en dépit de la langue bizarre dont il s’agissait, Bolitho comprit que l’on posait une question, ou que l’on appelait quelqu’un.

— Ils viennent chercher leur copain, commandant, suggéra Allday.

Il mit un genou à terre pour dénombrer l’équipage de l’embarcation qui se détachait sur la blancheur des rouleaux :

— Six.

— Pas un geste, garçons, dit doucement Bolitho. Laissons-les venir.

Il entendit un homme refermer ses mâchoires : fallait-il qu’il fût tendu ! Terrifié, sans doute, par cet environnement peu familier.

— Il y en a un qui escalade la falaise, observa Allday, en direction de la vigie.

Bolitho dégaina son sabre avec précaution. C’était évident : il était logique de commencer les recherches par là, et de demander si le manquant avait été aperçu. Les cinq autres remontaient la plage, balançant négligemment leurs armes et bavardant. Ils se rapprochaient.

Bolitho regarda derrière lui. Ses hommes, accroupis ou agenouillés au milieu des rochers, n’étaient guère visibles ; d’autres étaient assis à même l’eau. Il se retourna pour observer les ombres qui arrivaient : vingt mètres, quinze. L’un d’eux n’allait pas tarder à les apercevoir.

Un cri terrible déchira le silence. Il résonna sur les crêtes longtemps après la mort de l’homme.

Bolitho vit les cinq ombres se retourner en désordre ; ils le savaient : c’était celui qu’ils avaient envoyé vers la vigie qui avait poussé ce hurlement d’agonie.

— Maintenant, garçons ! hurla-t-il.

Sans un cri, ils bondirent tous sur leurs pieds et se ruèrent à la poursuite des cinq silhouettes qui tournaient le dos au ressac.

L’une d’elles glissa et tomba de tout son long, chercha à se redresser mais s’effondra en hoquetant, frappée à mort par le sabre d’abordage d’un marin qui continua sa course. Les autres avaient atteint le canot mais, à quatre, ils n’arrivaient pas à le faire bouger. Leurs lames d’acier miroitèrent dans l’ombre ; les matelots les encerclèrent au pas de charge, une mêlée confuse et mortelle s’ensuivit. Un marin se prit les pieds dans l’amarre du canot et n’eut pas le temps de recouvrer son équilibre : un long sabre lui traversa le corps et se planta dans les galets. Son meurtrier périt presque en même temps que lui. Les deux autres jetèrent leurs armes et succombèrent sous une grêle de coups des marins enragés.

— L’un des nôtres est mort, commandant, lança Davy, laconique.

Il fit rouler l’homme sur le dos et lui arracha des doigts son sabre d’abordage.

Bolitho remit son arme au fourreau. Ses jambes tremblaient sous l’effet de la course et de la tension nerveuse. Il regarda la goélette à l’ancre : nul cri, nul appel aux armes. Il put entendre au-dessus du ressac la même voix psalmodiant une mélopée lointaine et morose.

— Pauvre diable de vigie, commandant, reprit Davy d’une voix rauque.

Bolitho regarda ses hommes se regrouper autour des deux embarcations. Celle qui était restée là toute la journée était plus haut sur les galets, il faudrait plus d’hommes pour la mettre à l’eau.

— Est-ce que vous vous seriez attendu à cela à leur place ? répliqua-t-il.

— Je pense que non, dit Davy en haussant les épaules.

Carwithen arriva en hâte de la colline, ses hommes peinaient à le suivre.

— Ce fichu crétin de Lincoln a lambiné avec son poignard, lança-t-il sauvagement au groupe.

Tous les yeux étaient tournés vers lui :

— Je m’occuperai de son cas plus tard !

— Lancez les embarcations, ordonna Bolitho.

Il désigna les six fusiliers marins :

— Prenez l’autre. Vous savez ce que vous avez à faire.

Le soldat qui avait aperçu le premier la goélette émit un grognement :

— Nous savons, commandant. On se poste de façon à couvrir la poupe, et on abat quiconque essaye de franchir les fanaux vers ici.

— Le capitaine Bellairs ne s’est pas trompé sur ton compte, dit Bolitho en souriant.

— Par ici, commandant, souffla Allday.

Il sentit l’eau écumante lui tremper les jambes et la taille, puis il toucha le bordé grêlé d’éraflures de l’embarcation ; Allday se pencha pour le tirer au-dessus du plat-bord.

— Souquez !

Bolitho s’interdit de surveiller le mouvement rapide des avirons, et les efforts du timonier pour garder l’étrave face aux rouleaux. Une décharge de mitraille et son plan fragile était tué dans l’œuf.

Le canot se souleva et bondit en avant ; les pales des avirons mordaient franchement l’eau tandis que la carène s’affranchissait du retrait puissant des vagues. Bolitho vit la hauteur des mâts de la goélette s’élever devant eux pour les accueillir, la dentelle des haubans et du gréement à peine visible face au ciel obscur.

Allday, à califourchon sur un banc de nage, gouvernait en finesse, tenant le timon du bout des doigts.

— Endurez partout !

Il tendit le cou vers l’avant, comme pour les impressionner davantage :

— Brigadier, paré ?

Bolitho entendit derrière eux le plongeon régulier des avirons : l’autre canot se hâtait vers la proue de la goélette.

— Maintenant ou jamais, commandant ! dit rapidement Allday.

Il était si concentré qu’un rictus lui découvrait les dents : à l’avant du canot, quelques-uns crurent qu’il souriait.

Bolitho se dressa à côté de lui et tendit les bras pour repousser la voûte qui les dominait, surplombant leur embarcation.

— Maintenant !

Il y eut un cri et un tintement métallique : le brigadier avait lancé son grappin par-dessus la lisse de pavois ; avec une violente embardée, le canot vint heurter brutalement la muraille de la goélette ; plusieurs hommes tombèrent pêle-mêle ; les autres n’hésitèrent pas à grimper sur leurs corps amoncelés et les avirons enchevêtrés pour se hisser sur le pont du navire.

Des silhouettes jaillissaient du gaillard ; comme un homme s’élançait sauvagement de l’arrière, il y eut une détonation étouffée : une balle de mousquet bien placée le fit pivoter comme un danseur en délire, sa silhouette agonisante se découpa nettement face à la lumière des fanaux de poupe.

Bolitho sentit vaguement que quelqu’un se jetait sur lui, venant des dalots. Il y eut un chuintement au-dessus de sa tête, mais il esquiva le coup, lançant une botte à l’assaillant avec son sabre. L’ombre chancelante recula, puis revint à la charge : Bolitho comprit qu’il tenait une hache gigantesque et qu’il avançait en la balançant d’un côté et de l’autre.

— Maudit soit ce salaud ! s’exclama Carwithen en lui tirant un coup de pistolet en pleine figure.

Et, férocement, il grogna à l’adresse de Bolitho :

— Ça lui apprendra !

Un autre membre de l’équipage ennemi s’était élancé dans les enfléchures de misaine, un matelot hurlant à ses trousses. De nouveau, un coup de mousquet déchira l’obscurité, venant de l’autre canot ; avec un faible cri, l’homme s’écroula sur le pont où il fut promptement achevé par un sabre d’abordage qui l’attendait.

— La plupart d’entre eux sont descendus, commandant ! hurla Allday.

Il se précipita vers une écoutille et tira un coup de pistolet dans le noir :

— Je crois qu’ils n’ont plus guère envie de se battre !

Bolitho regarda vers l’arrière les fanaux de poupe :

— Appelez l’autre canot pour qu’ils viennent en renfort !

Soudain, un calme absolu régna sur le pont de la goélette ; tandis que Bolitho s’avançait lentement en direction de la petite descente de cabine, juste à l’avant de la roue, il entendit chacun de ses pas résonner dans le silence ; il sentait que la bataille n’était pas encore terminée.

Il fit avec circonspection le tour du cadavre ; c’était le premier homme abattu par les tireurs d’élite : son visage brillait à la lueur du fanal, la mâchoire inférieure arrachée comme par un coup de hache.

— Écartez-vous, commandant ! lança Allday.

Déjà, un matelot enjambait la hiloire de la descente ; soudain, son visage se convulsa dans un rictus d’agonie, tandis qu’un coup de pistolet retentissait à côté d’eux. Une ombre s’élança à travers les panaches de fumée ; Bolitho vit le marin balafré du nom de Lincoln, le regard froid comme pierre, se laisser tomber par la descente en utilisant le cadavre de son camarade pour amortir sa chute. Ses pieds s’écrasèrent sur le corps du mort ; faisant volte-face, il saisit le couteau qu’il tenait entre les dents et frappa deux fois dans le noir ; le second coup provoqua un hurlement de douleur.

D’autres hommes se bousculèrent à sa suite, et Bolitho hurla :

— Apportez une lampe ! Écartez-moi ces cadavres !

Des pieds nus martelaient le pont ; il entendit un appel anxieux d’Armitage, qui se trouvait encore dans le canot, le long du bord.

Carwithen était déjà descendu sur le pont inférieur, écartant un marin d’un coup de poing pour achever au poignard le pirate blessé.

Bolitho s’arrêta un instant au pied de la descente, cherchant Davy ; il comprenait lentement qu’Allday venait de lui sauver la vie. Sans son cri d’avertissement, il serait mort, au lieu de ce malheureux marin.

— Monsieur Davy ? Hissez les deux embarcations à bord, dès que vous vous serez assuré de nos prisonniers.

— A vos ordres, commandant ! répondit-il.

Il jubilait.

— Faites-les surveiller. Je ne veux pas qu’un fanatique éventre les fonds avant même que nous n’ayons fait servir !

Il descendit l’échelle à la suite d’Allday ; en bas, on n’entendait plus les bruits de la mer.

Un marin ouvrit d’un coup de pied la porte de la cabine et se précipita à l’intérieur, le pistolet haut.

— Rien, commandant !

Il se tourna : une ombre contournait un fauteuil renversé :

— Attention, commandant ! Il y a un autre bandit ici ! Je vais vous le chercher !

Puis ils reculèrent d’horreur :

— Doux Jésus, commandant, c’est l’un des nôtres !

Bolitho entra dans la cabine en se baissant bas pour ne pas heurter les barrots. Il comprit la stupeur du marin en découvrant une sorte d’épave humaine à genoux, doigts croisés dans un geste de prière, qui se balançait d’avant en arrière avec les mouvements du navire.

Bolitho remit son sabre au fourreau et s’avança entre la tremblante créature et son matelot aux yeux féroces :

— Qui êtes-vous ?

Il fit mine de s’approcher et l’homme se jeta à plat ventre à ses pieds :

— Pitié, commandant, je n’ai rien fait, Monsieur ! Je ne suis qu’un honnête marin !

Il agrippa les chaussures de Bolitho qui, en se baissant pour le remettre debout, découvrit avec horreur que tous les ongles de l’homme avaient été arrachés.

— Debout ! ordonna durement Allday. Tu parles à un officier du roi !

— Doucement, interrompit Bolitho en levant la main. Regardez-le. Il a assez souffert.

Un marin laissa choir son sabre d’abordage et, prenant l’homme à bras-le-corps, l’assit dans un fauteuil.

— Je vais lui chercher à boire, commandant.

Il ouvrit un placard et resta bouche bée quand le petit homme se mit à hurler :

— Ne touchez pas ! Il vous fera écorcher vif si vous osez mettre la main là-dessus !

— Qui donc ? demanda Bolitho.

L’homme sembla alors comprendre ce qui se passait. Ce n’était pas un nouvel épisode d’une longue séquence de cauchemars éveillés. Il regarda le visage grave de Bolitho, et des larmes se mirent à ruisseler sur ses joues creuses :

— Muljadi !

— Quoi ? Ici ? grommela Carwithen.

L’homme regarda Bolitho, puis son regard terrifié fouilla la coursive encombrée, s’attarda sur le marin mort au pied de la descente :

— Là ! Son fils !

Bolitho pivota vivement et se pencha sur celui à qui Lincoln avait porté un coup de couteau. Bien sûr ! Il aurait dû s’en apercevoir, au lieu de se féliciter d’avoir échappé à une mort horrible.

Le blessé était encore vivant, mais la lame de Lincoln lui avait ouvert le cou et l’épaule ; la blessure était large, béante : il n’avait dû rater la carotide que d’un cheveu.

L’homme était torse nu mais ses amples pantalons, à présent barbouillés de sang – le sien et celui du marin – étaient coupés dans la soie la plus fine. Il avait les yeux étroitement fermés, et sa poitrine se soulevait de façon spasmodique.

— Laissez-moi achever ce salaud, commandant ! dit Carwithen.

Il l’implorait presque.

Bolitho l’ignora. L’homme ne devait guère être âgé de plus de vingt ans ; il portait au cou un pendentif en or représentant un fauve bondissant : le même que sur le pavillon de Muljadi. Son fils ? Pas impossible, donc.

— Bandez sa plaie, ordonna-t-il sèchement, je veux qu’il vive.

Il se tourna de nouveau vers la silhouette en haillons dans la cabine :

— Mes hommes vont s’occuper de vous, mais je veux d’abord…

Le malheureux se glissa vers la porte :

— C’est fini ? C’est vraiment fini, commandant ?

Il tremblait de tous ses membres, près de s’effondrer, semblait-il :

— Ce n’est pas une cruelle plaisanterie ?

— Tu es devant le commandant Bolitho, mon pote, dit doucement Allday. Le commandant de l’Undine, frégate de Sa Majesté.

— Et si tu nous disais maintenant qui tu es ?

Le petit homme se laissa de nouveau glisser sur le pont, comme un chien battu :

— J’étais voilier, commandant, à bord du navire portugais Alvares. Je me suis embarqué à Lisbonne quand j’ai perdu mon propre navire. Nous transportions une cargaison variée en provenance de Java… nous avons été attaqués par des pirates.

— Quand est-ce arrivé ?

Bolitho articulait soigneusement, conscient de l’état de confusion où était le pauvre homme :

— Il y a un an, commandant, je pense.

Il ferma ses yeux pour mieux se remémorer.

— On a été contraints de mouiller dans le repère de Muljadi, tout au moins ceux d’entre nous qui avaient survécu. Les hommes de Muljadi ont tué presque tout le monde. Ils n’ont gardé que moi, car j’étais voilier. Une fois, j’ai essayé de m’évader. Vous comprenez, je ne savais pas que j’étais détenu dans une île ! Ils m’ont repris en moins d’une heure, et m’ont mis à la question.

Il se mit à trembler plus violemment encore :

— Ils regardaient tous ; ils jubilaient, ils riaient.

Il se leva en chancelant et se jeta contre la porte, saisissant un sabre d’abordage en hurlant :

— Ils m’ont arraché tous les ongles avec des pinces, et pire encore, les salauds, les salauds !

Lincoln le saisit par le poignet et détourna le sabre d’abordage du blessé qui gisait, inconscient, dans la coursive.

— Doucement, mon pote ! Tu pourrais faire des bêtises avec ça.

La voix amicale sembla le rasséréner un peu. Il se tourna et regarda fixement Bolitho :

— Je m’appelle Jonathan Potter, j’étais de Bristol, autrefois.

— Eh bien, Jonathan Potter, répondit Bolitho en approuvant gravement, je suis sûr que tu peux m’être très utile. Cela ne ressuscitera pas tes amis, mais cela pourra éviter à d’autres de subir le même sort. Occupe-toi de lui, dit-il à Allday.

Il sortit de la cabine, soulagé de retrouver l’air frais qui l’accueillit sur le pont ; les hommes de Davy préparaient l’appareillage avec résolution. Sûr que Potter était le seul Anglais à bord du voilier portugais. C’est pour cela, et pour nulle autre raison, qu’on l’avait épargné et gardé comme un esclave : une créature moins qu’humaine, bonne à tyranniser. D’après ce qu’il savait de Muljadi, c’était de loin la raison la plus vraisemblable.

Davy se présenta à ses côtés :

— Je suis presque prêt à lever l’ancre, commandant.

Il marqua une pause, comprenant les sentiments de Bolitho :

— Ce pauvre diable a dû souffrir le martyre, commandant. Il n’a plus que la peau sur les os, et il est couvert de croûtes et de cicatrices de la tête aux pieds.

Bolitho considéra pensivement la pâle silhouette :

— Quelque chose lui a permis de survivre, monsieur Davy ; la crainte de la mort, ou le besoin de se venger, je ne sais.

Il saisit un étai, car le pont oscillait sous l’effet du ressac :

— Quelle que soit la raison pour laquelle il a survécu, j’entends me servir de lui à bon escient.

— Et le capitaine de la goélette, commandant ?

— Si c’est vraiment le fils de Muljadi, c’est une fameuse prise ! De toute façon, je ne veux pas qu’il meure ; transmettez mes ordres à cet effet…

Il se souvint des yeux de Carwithen :

— … à tous les hommes.

Il regarda par le travers du navire le petit îlot où venaient de se dérouler tant d’événements. Le paysage escarpé était entièrement plongé dans l’ombre. Une baleine échouée, de nouveau.

— Nous allons faire directement du sud-est et tirer au large. Je ne connais pas encore ces eaux. À l’aube, nous pourrons virer de bord et reprendre contact avec l’Undine.

Il regarda les hommes qui se hâtaient en tous sens sur le pont de la goélette :

— Jolie petite prise !

Davy le regarda, puis regarda le bateau : il semblait penser à quelque chose pour la première fois :

— Oui, commandant, une prise ! ajouta-t-il en hochant gaiement la tête. Je parierais qu’elle vaut une jolie somme.

Bolitho traversa le pont jusqu’au bord opposé :

— Je me disais que cela pourrait vous intéresser, monsieur Davy. À présent, veuillez mettre les hommes au cabestan et hisser cette ancre tant que le vent tient.

Il songea à Herrick :

— Nous voilà avec un atout maître en main.

Davy secoua la tête sans comprendre. Puis il regarda le timonier et les autres en train de se regrouper aux barres d’anspect. Un large sourire lui vint :

— Enfin une prise ! Peut-être la première d’une longue série.

 

Noddall, qui rôdait autour de la table de la cabine, hocha la tête avec satisfaction quand Bolitho écarta son assiette vide :

— Voilà qui est bien, commandant ! Un homme n’en travaille que mieux quand il a le ventre plein !

Bolitho se renversa dans son fauteuil et laissa son regard errer lentement sur l’ensemble de la cabine. Il était heureux d’être de retour à bord de l’Undine, avec en mains une preuve tangible de leurs efforts.

La lampe au-dessus de la table semblait de plus en plus faible ; quand il regarda par les fenêtres de poupe, il vit que l’aurore avait cédé la place à un ciel vide ; comme un fil d’or, l’horizon barrait d’un trait oblique les vitrages épais souillés par le sel.

Cela faisait à peu près vingt-quatre heures qu’il avait rejoint l’Undine avec la goélette capturée ; quand les avaient accueillis les acclamations des matelots et des fusiliers marins, ils avaient oublié un instant la fatigue et les tensions d’une lutte courte mais acharnée.

Herrick exultait tant qu’il en avait presque perdu son sang-froid ; il avait insisté pour que Bolitho descendît immédiatement dans sa cabine. La goélette avait autrefois battu le pavillon de la Compagnie hollandaise des Indes orientales ; impossible de dire combien de temps elle avait été aux mains des pirates. Vu son état repoussant et le désordre qui régnait sur les ponts, il y avait apparemment longtemps qu’un marin hollandais n’y avait pas touché.

Bolitho laissa son esprit vagabonder. Au-dessus de sa tête, les pieds nus martelaient les bordés ; on était en train de laver les ponts, comme tous les matins ; l’eau gargouillait, les planches résonnaient.

Noddall avait raison : il avait largement fait honneur à son repas, de fines tranches de lard doré à la poêle, avec des miettes de biscuit de mer. Son petit déjeuner favori, qu’il avait accompagné de café fort et d’un peu de mélasse.

Herrick frappa et entra dans la cabine.

— Le vent tient bon du sud-ouest, commandant.

Il semblait alerte, il avait le regard vif.

— Bien, Thomas, répondit Bolitho avec un sourire. Prenez un peu de café.

C’était toujours curieux de voir à quel point Herrick se détendait une fois qu’on avait décidé d’exécuter un projet. Il ne semblait nullement se rendre compte que le plan n’était encore qu’une ébauche dans l’esprit de son commandant.

— M. Mudge m’informe que nous filons environ dix nœuds, commandant.

Herrick prit une moque des mains du garçon de cabine et sourit :

— Il plastronne comme s’il venait de gagner une fortune sur une table de jeu.

— Cela signifie, dit Bolitho en fronçant les sourcils, que nous devrions atterrir sous peu. Si nous avions eu hier autre chose qu’une brise de demoiselle, nous y serions déjà.

Il étendit les bras, heureux de sentir contre sa poitrine et son dos le contact d’une chemise propre :

— Mais nous avions beaucoup à faire.

— M. Davy, dit Herrick avec un sourire, ne doit plus être loin de Pendang Bay, maintenant.

— Certes, répliqua Bolitho. Ou je me trompe fort, ou il doit se prendre pour un officier supérieur.

Au moment de lui donner le commandement de la goélette et de le renvoyer à Conway, il avait vu son visage s’éclairer, comme illuminé de l’intérieur. Lui-même, songea-t-il, avait dû avoir autrefois une expression semblable ; une fois, on lui avait confié une prise, alors qu’il était lieutenant, et bien plus jeune que Davy : on disait que le premier pas dans la direction d’un véritable commandement était le plus important ; peut-être cela serait-il valable pour Davy aussi.

Un appel éclata. Il leva les yeux vers la claire-voie ouverte :

— Holà, du pont ! Terre sur l’avant sous le vent !

Bolitho sourit. Un fourmillement lui parcourait l’échine :

— Si l’Argus n’est pas ici, il me faudra tout reprendre à zéro.

La porte s’ouvrit légèrement et l’aspirant Armitage signala :

— Avec les respects de M. Soames, commandant. La vigie vient d’apercevoir la terre sur l’avant sous le vent.

— Merci, monsieur Armitage, lui lança Bolitho.

Il remarqua les lourdes poches sous les yeux de l’aspirant, et la façon convulsive qu’il avait de tripoter son haut-de-chausses rapiécé. À la différence de tous ceux qui étaient revenus avec lui, il n’était pas capable de cacher ses sentiments réels, ni sa peur, ni la certitude qu’il avait de ne pouvoir la contrôler.

— Adressez mes compliments à M. Soames. Dites-lui que tout l’équipage procédera dans une demi-heure à un exercice d’artillerie.

Il hésita avant d’ajouter :

— Si quelque chose vous perturbe, vous feriez mieux de le confier au second ici présent ; ou à moi-même, si vous pensez que cela puisse vous soulager.

Armitage secoua la tête :

— Non, commandant. Je me sens mieux maintenant.

Et il déguerpit. Bolitho regarda son ami et lui demanda tranquillement :

— Qu’allons-nous en faire, de celui-là ?

— Ne vous chargez pas de tous les péchés du monde, commandant, répondit Herrick en haussant les épaules. Il n’en mourra pas. Nous sommes tous passés par là une fois ou l’autre.

— Eh bien, Thomas, je ne vous reconnais pas ! Admettez, dit-il avec un large sourire, que vous vous faites du souci pour ce garçon !

— A vrai dire, répondit Herrick, intimidé, j’envisageais de lui en toucher un mot.

— Moi aussi, Thomas. Comme vous mentez mal !

D’autres coups à la porte annoncèrent l’arrivée du chirurgien.

— Eh bien, monsieur Whitmarsh ?

Bolitho le regarda s’arrêter sur le seuil ; le soleil matinal qui entrait obliquement par la claire-voie lui dessinait une vaste auréole autour de la tête.

— Est-ce que l’état du prisonnier a empiré ?

Whitmarsh se déplaçait dans la cabine comme un prisonnier, se baissant au passage de chaque barrot comme s’il cherchait par où s’évader :

— Il ne va pas mal, commandant. Mais je suis toujours convaincu que nous aurions dû le renvoyer au comptoir à bord de la goélette, comme je vous l’ai dit à votre retour à bord.

Bolitho vit les mâchoires de Herrick se serrer, il pressentit que le second se disposait à clouer le bec du chirurgien : comment celui-ci pouvait-il oser se permettre pareils débordements ? À l’instar des autres officiers, Herrick avait du mal à cacher l’antipathie que lui inspirait le chirurgien. Il faut dire que Whitmarsh n’y mettait guère du sien.

— Je ne puis répondre d’un prisonnier, répondit calmement Bolitho, s’il est là-bas et nous ici. Est-ce clair ?

Il regarda les gouttes de sueur ruisseler sur le front de son interlocuteur, et se demanda s’il avait déjà commencé à boire à une heure si matinale.

Étrange qu’il ne se fût pas déjà tué.

Au-dessus de sa tête, il entendait un pas de bottes régulier, le cliquetis des armes : les fusiliers marins s’alignaient pour leur inspection du matin.

— Je dois me fier à mon jugement, monsieur Whitmarsh, continua-t-il avec effort, comme vous le faites vous-même dans votre métier.

Le chirurgien se tourna vers lui pour l’observer :

— Donc, vous reconnaissez que si vous l’aviez renvoyé à Pendang Bay, ils l’auraient arrêté et pendu !

— Mais Bon Dieu ! intervint Herrick, furieux, ce gars est un maudit pirate !

— A vos yeux, certainement ! lui lança férocement Whitmarsh.

Bolitho se leva vivement et marcha jusqu’aux fenêtres :

— Soyez réaliste, monsieur Whitmarsh. En tant que simple pirate, il aurait été jugé et pendu, vous le savez bien. Mais, en tant que fils de Muljadi, il peut nous aider à tirer les marrons du feu, il devient un objet d’échange. L’enjeu est ici encore plus important que je ne le craignais, des vies sont dans la balance, plus de vies que prévu. Ce ne sont pas vos sentiments personnels qui vont me faire hésiter.

Whitmarsh empoigna le bord de la table ; son embonpoint le dominait comme une figure de proue :

— Si vous saviez ce que j’ai enduré…

Bolitho fit volte-face et l’arrêta d’une voix tranchante :

— Je sais tout de votre frère, et j’en suis navré pour lui ! Mais combien de criminels et d’assassins avez-vous vu pendre, pourrir enchaînés, sans le moindre regret ?

Quelqu’un s’était arrêté près de la claire-voie ouverte, il baissa le ton :

— J’admire la bienveillance, mais l’hypocrisie, je l’exècre !

Il vit la douleur le céder à la fureur sur le visage congestionné du chirurgien :

— Ainsi, prenez soin du prisonnier. S’il doit être pendu, à Dieu vat ! Mais s’il peut m’être utile vivant et qu’il sauve ainsi sa tête, amen !

Whitmarsh fit mine de s’avancer vers la porte, puis dit d’une voix épaisse :

— Et ce Potter que vous avez ramené de la goélette, commandant. Vous l’avez déjà mis au travail !

— Vraiment, monsieur Whitmarsh, fit Bolitho avec un sourire, vous êtes têtu. Potter travaille avec le voilier, en tant qu’adjoint. Nous n’allons pas le tuer au travail ! À mon avis, le fait d’être occupé lui permettra de recouvrer la santé plus rapidement que si nous le laissions ruminer son récent calvaire.

Whitmarsh sortit lourdement de la cabine, grommelant quelque chose par-devers lui.

— Quel impertinent ! s’exclama Herrick. À votre place, je lui aurais administré une raclée à coups de cabillot !

— J’en doute, dit Bolitho en secouant la cafetière, qui était vide. Mais je sens que jamais, au grand jamais, il ne pourra me faire confiance.

Bolitho attendit que Noddall lui eût apporté son habit et son plus beau bicorne ; il se sentait plutôt ridicule, tandis que le garçon de cabine s’affairait à mettre en place toutes les manchettes et les revers.

— Je pense qu’on court un vilain risque avec lui, commandant, dit brusquement Herrick.

— C’est un risque à courir, Thomas.

Il vit Noddall retirer un cheveu pris à un bouton de son habit : un de ses cheveux à elle. Il se demanda si Herrick l’avait remarqué.

— Nous devons mettre notre confiance dans ce commandant français, poursuivit-il. Tout le reste n’est qu’hypothèses.

Noddall avait décroché le vieux sabre de la cloison, mais se contentait de le tenir en travers de sa poitrine, sachant qu’il eût risqué sa vie en usurpant à Allday son privilège dans ce rituel.

Bolitho repensa à la colère de Whitmarsh ; il savait qu’elle était en grande partie fondée. Si le prisonnier avait été envoyé à bord de la goélette, aucun doute qu’il serait tombé entre les mains de Puigserver, s’il était encore au comptoir ; ou bien on l’aurait jeté aux fers et remis à l’autorité espagnole la plus proche. Puis, avec de la chance, il aurait certainement été pendu… Mieux valait ne pas songer au sort qui l’attendait maintenant : tel père, tel fils.

De toute façon, les survivants de l’équipage de la goélette, ce ramassis de barbares mulâtres, de Javanais et d’Indiens, ne tarderaient pas à être fixés sur leur sort.

Combien de morts avaient-ils sur la conscience ? se demanda-t-il. Combien de bateaux pillés, de marins assassinés ou réduits à l’état d’épaves comme Potter, le voilier de Bristol ? Il est probable que les deux parties en cause n’avaient pas le même intérêt à cet échange.

Il sortit de la cabine, comparant encore les avantages et les inconvénients d’une justice expéditive.

Sur le pont, l’air était frais ; la chaleur du jour ne pesait pas encore ; il commença à faire quelques pas le long du bord au vent, il était encore temps. Sous son lourd habit, il allait bientôt être en nage, à moins de rester à l’ombre des voiles ventrues. Fowlar le salua en portant la main à son front et dit gauchement :

— Puis-je vous remercier, commandant ?

— Vous l’avez bien mérité, monsieur Fowlar, répondit Bolitho en souriant, soyez tranquille.

Il avait nommé le premier-maître lieutenant par intérim, pour remplacer Davy. Si le jeune Keen avait été à bord, le poste lui serait revenu. Quelqu’un d’autre avait pris la place de Fowlar : tel était l’usage en vigueur sur tous les bateaux.

Herrick prit Fowlar à part et attendit que Bolitho eût recommencé à marcher :

— Attention ! Ne dérangez jamais le commandant pendant sa promenade.

Il sourit, car Fowlar ne savait que penser.

— Sauf urgence véritable, bien sûr ; et votre promotion ne relève nullement de ce cas. Mais félicitations, dit-il en lui touchant la chemise, félicitations quand même.

Bolitho les avait déjà oubliés. La silhouette sombre se profilait depuis un moment au-dessus de l’horizon éblouissant ; il se demandait ce qu’il allait trouver là-bas. À pareille distance, on eût dit une vaste étendue de terre, mais il savait qu’il n’avait affaire qu’à un fouillis d’îlots, certains plus petits que celui sur lequel il avait capturé la goélette de Davy. Au départ, les Hollandais avaient occupé ce groupe d’îles à cause de leur disposition et de leur position. Les navires au mouillage au milieu de l’archipel pouvaient tirer profit de tous les vents pour appareiller, l’utilisation de différents chenaux leur évitant tout retard. La forteresse avait été construite pour protéger l’endroit contre les pirates en maraude, tel celui qui la commandait à présent, défiant toute autorité et tout pavillon. Les Hollandais comptaient encore les Benua au nombre de leurs possessions, mais c’était là pure théorie : ils seraient certainement soulagés de s’en débarrasser, vu les sinistres souvenirs qui s’y attachaient.

Voyant le voilier s’entretenir avec Potter sous le gaillard, il se demanda si ce dernier allait réellement se remettre de ses souffrances. Ce ne devait pas être facile pour lui d’approcher à nouveau à ce point le repaire de Muljadi ; mais de tous les matelots du bord, et à l’exception du prisonnier, il était le seul à connaître ce qu’abritaient cette ceinture de récifs et de bancs de sable, ces lieux où il avait tant souffert.

En dépit de son lourd habit, Bolitho frissonna légèrement. Et s’il avait sous-estimé son adversaire ? Celui-ci pouvait faire de lui un autre Potter, une épave pitoyable, brisée, que même ses amis et ses sœurs en Angleterre eussent préféré savoir mort.

Et Viola Raymond ? Combien de temps mettrait-elle à l’oublier ?

Il se ressaisit, chassa ces sombres pensées et lança :

— Monsieur Soames ! Faites faire branle-bas de combat et mettre les pièces en batterie, maintenant !

Il vit la vague d’excitation courir parmi les hommes qui se trouvaient sur le pont de batterie.

— Nous commencerons l’exercice par la batterie bâbord.

Allday monta sur la dunette à la gîte et retourna le sabre dans ses mains avant de le boucler à la ceinture de Bolitho.

— Bien sûr, vous allez me prendre, commandant ?

Il parlait avec calme, mais Bolitho pouvait lire l’angoisse dans ses yeux.

— Pas cette fois-ci.

Des coups de sifflet retentirent sur le pont et les petits tambourinaires du groupe des fusiliers marins accoururent à toutes jambes à la rambarde de dunette, sortant les baguettes de leur baudrier blanc pour commencer leurs battements précipités.

Obstiné, Allday ajouta :

— Mais vous aurez besoin de moi, commandant !

— Oui, répondit Bolitho en le regardant avec gravité. J’aurai toujours besoin de toi…

Le reste de sa phrase fut couvert par le roulement des tambours et le martèlement des pieds : une fois de plus, l’équipage de l’Undine courait aux postes de combat.

 

Capitaine de sa Majesté
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